jeudi 18 avril 2024
Votre Journal. Votre allié local.

Politique > Actualités

Jean Garon, «un homme de bien commun»

Les + lus

CRÉDIT : JEAN BEAULIEU - COURTOISIE LA VIE AGRICOLE

13 nov. 2018 04:57

Le 9 novembre 1978 était adoptée la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) qui définit la zone verte afin de protéger le garde-manger du Québec de l’urbanisation des terres. Ancien député de Lévis et alors ministre de l’Agriculture, Jean Garon en a été l’artisan. Quarante ans plus tard, son ancien attaché de presse et actuel président de l’Institut Jean-Garon est revenu pour le Journal sur son héritage.

La question de la protection des terres agricoles n’était pas nouvelle au Québec. La nécessité de les protéger était débattue dans la province depuis que l’accaparement des terres agricoles s’était accéléré dans les années 1960. L’urbanisation galopante devenait une menace pour ces territoires, encore plus lorsqu’ils étaient situés aux abords des villes dans les régions de Montréal et de Québec. Avec la spéculation, la manne financière était des plus convoitées pour les développeurs comme les villes et même certains agriculteurs. 

«Le gouvernement Bourassa en était conscient, le monde agricole faisait des pressions», estime Simon Bégin, ancien attaché de presse de Jean Garon alors ministre de l’Agriculture, auteur d’une biographie de l’homme politique et aujourd’hui président de l’Institut Jean-Garon. Mais si «les libéraux n’ont pas été capables d’accoucher d’un projet de loi», selon lui, c’est à cause des enjeux électoraux. Les libéraux penchaient du côté d’une indemnisation de ceux qui possédaient ou avaient acquis des terres, pour arrêter la spéculation.

En remportant les élections de 1976, le Parti québécois comptait bien mettre en œuvre l’engagement pris pendant la campagne électorale de protéger les terres agricoles. «Quand Jean Garon a été, à sa grande surprise, nommé ministre de l’Agriculture, René Lévesque lui a dit que c’était sa priorité», rappelle Simon Bégin. Professeur à l’Université Laval de droit fiscal et droit des coopératives, le député tout juste élu est un militant de longue date connu pour ses implications en région et dont les origines se situent en Chaudière-Appalaches, à Saint-Michel-de-Bellechasse.

«René Lévesque avait consulté le président de l’UPA qui avait dit : ‘‘Ne nommez pas un cultivateur ni un agronome. Ça prend quelqu’un qui sait compter et quelqu’un pour faire le ménage dans toutes les lois’’. Jean Garon était économiste et avocat. René Lévesque a tout de suite pensé à lui», raconte-t-il.

Un territoire pour nourrir le Québec

Déjà, le nouveau ministre de l’Agriculture avait fait de l’autosuffisance son thème majeur. Profondément indépendantiste, il croyait à l’importance pour la province  de trouver un équilibre commercial, en compensant les importations par des exportations. Mais surtout, il pensait que le Québec devait être capable de se nourrir, une capacité qui reposait sur le territoire et donc impliquait la protection et la mise en valeur des terres agricoles. Le gouvernement de René Lévesque se retrouvait face au défi de le faire accepter. Sans indemnités. «Il était hors de question d’indemniser, car c’était une question d’intérêt national. Ça aurait été trop dispendieux», explique l’ancien attaché de presse. 

En plus de protéger les terres agricoles, l’engagement est donné aux producteurs de leur donner des moyens ainsi que de mettre en place des politiques, des programmes et des aides «pour qu’ils puissent vivre de leur métier». Le gouvernement soutient l’agriculture, les budgets augmentent et, sur cette base, les producteurs donnent leur appui à la loi de protection du territoire agricole.

L’effet est immédiat. Une fois déposée, «la loi a eu pour effet de geler les transactions immobilières dans une grande partie du Québec. Ce n’est pas rien! Un développeur qui se préparait à signer, ou quelqu’un qui se préparait à vendre sa terre, le lendemain matin ce n’était plus possible», se souvient Simon Bégin.

«La loi a été affaiblie à force de recul, notamment sous les gouvernements du Parti libéral qui avait toujours la pression des villes. Le combat ne s’est jamais arrêté», croit celui qui plaide pour une meilleure application afin de la renforcer face à l’étalement urbain, tout en l’assouplissant dans les régions où l’étendue des terres peut décourager les producteurs prêts à développer des exploitations moins grandes. 

Lévis marquée par ses deux mandats

Dans la région où la loi qu’il a défendue n’a pas empêché la Chaudière-Appalaches de perdre plus de terres agricoles que les autres régions et à un rythme plus rapide, Jean Garon n’a pas laissé que cet héritage.

Élu maire de Lévis en 1998 puis réélu en 2001, il a, entre autres réalisations, laissé le boulevard Guillaume-Couture à quatre voies et il est à l’origine de la fusion des villes. Convaincu du potentiel du territoire, «il a toujours défendu la vitalité de Lévis et de sa grande région, et a toujours trouvé qu’un des obstacles à ce potentiel s’était la division en onze municipalités qui passaient leur temps à se chicaner». 

«C’était un homme de bien commun, un homme qui avait une très haute conception du rôle des politiciens qui sont là pour défendre l’intérêt collectif plutôt que l’intérêt particulier», conclut Simon Bégin. 

Les + lus