Personne n’est contre la vertu, nous nous devons d’applaudir cette initiative de lutte à la pauvreté des chômeur.euse.s, dont le nombre a presque doublé dans la dernière année. Ces réformes masquent toutefois un oubli majeur que les questionnements concernant le retour au travail et la PCU avaient remis à l’ordre du jour : la pauvreté n’existe pas que chez les chômeur.euse.s. Les personnes gagnant le salaire minimum ou à peine plus sont, elles aussi, étranglées par leur situation économique.
Pour profiter du régime d’assurance-chômage actuel, il faut avoir été congédié, ou démontrer avoir épuisé toutes les ressources possibles avant de remettre sa démission pour un « motif raisonnable ». Malheureusement, un salaire trop bas ne permettant pas de faire vivre sa famille ne figure pas dans la liste de ces motifs. Rappelons cependant qu’encore aujourd’hui, rien n’empêche un employeur de mettre à pied des salariés pour des raisons économiques …
Le droit à la démission libre n’existe plus, l’exclusion du régime étant totale depuis 1993. Pourtant, en 1971, un départ volontaire ne représentait une exclusion que pour 1 à 3 semaines, permettant ainsi à plusieurs personnes une ascension sociale aujourd’hui difficile. La relation de travail est donc devenue un simple contrat, où l’employé ayant cotisé pendant des semaines, des mois, voire des années à la caisse de l’assurance-emploi perd toute sécurité lorsqu’il décide d’améliorer ses conditions économiques.
Si l’accès à l’assurance-chômage est aujourd’hui facilité, le modus operandi de l’exploitation par les bas salaires reste le même : les travailleur.euse.s pauvres restent enfermé.e.s dans la pauvreté, trop précaires pour se payer des «vacances» afin de trouver de meilleures perspectives de travail. L’exclusion pour départ volontaire les condamne ainsi à accepter des emplois mal payés sans possibilité d’obtenir de meilleures conditions.
C’est entre autres là que la lutte pour la défense des droits du chômage doit se trouver dans les prochaines années. Les inégalités se faisaient déjà croissantes dans un contexte de plein-emploi, et s’exacerbent encore plus aujourd’hui. Une région comme celle de la Capitale-Nationale pouvant se targuer d’un taux de chômage de 3,1% à pareille date l’an dernier avait pourtant déjà sa part de travailleurs pauvres employés dans les épiceries, les commerces au détail, les restaurants et autres entreprises, souvent des bannières de grandes chaînes.
On en est venus à accepter la pauvreté chez les étudiant.e.s, chez les personnes sortant des programmes d’aide sociale et chez bon nombre de femmes travaillant à temps partiel. Ces gens n’ont que très rarement droit à l’assurance-emploi, et leur garantir un revenu après leur démission ne permettrait que de rehausser leur niveau de vie. La balle est dans le camp du gouvernement Trudeau : s’il veut que les Canadien.ne.s puissent se trouver un bon emploi, il doit désormais leur donner les moyens d’en quitter un mauvais.
Par Isaïe-Nicolas Dubois-Sénéchal
Militant à l’Association de défense des droits sociaux de la Rive-Sud