En septembre 2020, le Journal de Lévis publiait un article nous apprenant qu’une école primaire de langue anglaise s’installera à Lévis en 2022. Sujet intriguant s’il en est un, l’histoire de la Rive-Sud comporte des pages qui relatent de manière éparse la présence d’une communauté anglophone qui a laissé des traces significatives et partiellement oubliées.
Par Claude Genest - Collaboration spéciale
Le grand territoire du Lévis actuel a été habité pendant des années par une minorité anglophone assez importante. Les recensements nous permettent de constater qu’en 1871, par exemple, l’ancienne ville de Lévis était peuplée d’environ 15 % de citoyens de langue anglaise. On note aussi la présence de fidèles anglicans à Saint-Romuald, Saint-Nicolas voir à Saint-Henri et, ici et là, on retrouve, encore aujourd’hui, des traces de ce passé.
Pensons seulement à la famille Davie au niveau de l’industrie navale, à la «Ville d’Aubigny» esquissée par John Caldwell (actuel Vieux-Lévis), mais aussi à des noms qui apparaissent dans la toponymie de Lévis comme les anses Tibbits, Benson et Hadlow, la rue Henry-Atkinson ou le quartier de Sainte-Hélène-de-Breakeyville.
Le patrimoine religieux nous permet de contempler des bâtiments jadis animés par des anglophones, notamment dans le Vieux-Lévis avec les magnifiques églises reconverties que sont L’Anglicane et la St.Andrew’s United Church, mais aussi dans d’autres secteurs de la ville avec la Christ Church de New Liverpool. Sans compter que Lévis a même failli s’appeler Québec-Sud sous l’impulsion d’hommes d’affaires anglophones. Bref, il y a là tout un passé à redécouvrir et il serait intéressant qu’une personne produise un jour une synthèse complète dans le but de nous remémorer ce passé enfoui dans la mémoire collective.
Des sources historiques existent pour enrichir nos connaissances. Je pense ici aux anciens journaux anglais de la ville de Québec qui traitaient à l’occasion des sujets concernant l’autre rive, comme nous l’avons constaté dans notre chronique du 4 janvier dernier qui portait sur l’installation de l’aqueduc dans l’œil du Quebec Chronicle.
Je pense aussi au fonds d’archives du révérend Duncan Anderson (1828-1903) qui est conservé aux archives de l’Église presbytérienne du Canada à Toronto qui contient 106 sermons prononcés majoritairement à «Point Levi», dont certains à Hadlow Cove. Pasteur pendant 32 ans à Lévis de 1854 à 1886, il publie en 1890 un intéressant recueil de poèmes qui s’intitule Lays of Canada and Other Poems. L’archiviste-historien Pierre-Georges Roy souligne dans ses Profils lévisiens que les poèmes d’Anderson «font belle figure dans la littérature anglaise de notre pays».
D’autres anglophones ayant habité ici ont écrit des livres, comme Hugh-Edward (Jim) Weyman. Grand sportif et fondateur du Club de golf Lévis, mais aussi passionné du curling, il publie à Lévis en 1942 un livre de référence de renommée mondiale sur le sujet qui s’intitule An Analysis of the Art of Curling, réédité plus de onze fois. Sa renommée ne fait aucun doute comme en témoigne son intronisation au Temple de la renommée de Curling Canada en 1974 dans la catégorie des bâtisseurs, rien de moins.
Plus près de nous en 2004, Andrew Raymond Mitchell Roy a publié A Son of Quebec où il se remémore ses premières années à titre de fils d’un pasteur de Lévis, années vécues au presbytère anglican, soit l’actuel Centre d’exposition Louise-Carrier. Dans ce livre, que l’historien Pierre-Olivier Maheux a attiré à mon attention, il raconte le cloisonnement de la communauté anglicane qui vivait en marge des francophones. Il y a beaucoup de vrai à ce sujet, et je me souviens bien, qu’étant jeune et bien curieux, que lorsque je passais des circulaires à l’autre presbytère protestant de la rue Noël-Belleau, je trouvais l’endroit mystérieux et fort intrigant.