samedi 20 avril 2024
Votre Journal. Votre allié local.

Opinion du lecteur > Opinions-débats

Lettre d'opinion - Lettre à notre nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Drainville

Les + lus

Photo : MChe Lee - Unsplash

15 nov. 2022 02:30

Monsieur le ministre, permettez-nous d’abord de vous souhaiter un bon début de mandat et de vous remercier de votre présence à l’École Pointe-Lévy. Il va sans dire que vous aurez de grands souliers à chausser puisque les attentes sont élevées. Nous avions les mêmes attentes envers votre prédécesseur, qui croyait-on, en tant qu’ancien enseignant, serait le mieux placé afin de réparer notre système d’éducation. Oui, nous y avons cru et nous avons laissé la chance au coureur. Malheureusement, nous avons été déçus d’avoir été si facilement oubliés par notre ministre.

Note de la rédaction : Le Journal de Lévis n'endosse aucune opinion qui est partagée dans les lettres d'opinion ou ouvertes publiées dans notre section Opinions. Les opinions qui sont exprimées dans ce texte sont celles des auteurs signataires.

Oui, nous y avons cru, quand votre prédécesseur nous a parlé d’autonomie professionnelle. Cette autonomie qui, malgré qu’elle soit explicitement inscrite à la Loi sur l’instruction publique et à l’Entente nationale, peine à s’épanouir concrètement dans le quotidien du personnel enseignant, dans la reconnaissance du travail accompli.

Oui, nous y avons cru, lorsqu’en pleine pandémie, on nous a dit que nous étions importants et qu’il fallait nous renvoyer au front en plein néant et sans mesures de protection. Au moment d’écrire ces lignes, nous attendons toujours un peu de gratitude de la part du premier ministre.

Oui, nous y avons cru lorsque le premier ministre nous a dit que l’éducation serait sa principale priorité. Près de cinq ans plus tard, nous nous demandons encore ce qu’est une priorité pour lui alors que nous enseignons dans un environnement vétuste et que nos collègues passionnés s’épuisent au travail dans des classes surpeuplées et toujours plus complexes à gérer.

Oui, nous y avons cru lorsque la ministre du Conseil du trésor a accepté d’augmenter le salaire des enseignants et surtout de nos nouveaux enseignants. Ceux-là mêmes qui sont 25 % à décrocher dans les cinq premières années de la profession, faute d’avoir un soutien adéquat. Que fait-on pour garder allumée la flamme de ces enseignants? Comment dit-on à ces nouveaux collègues de persévérer alors qu’on leur confie des classes toujours plus difficiles, mais avec toujours moins de moyens?

Parlant d’enseignants dévoués et passionnés, comment soutient-on les enseignants non légalement qualifiés? Ceux-là mêmes qui ont répondu présents, mais qui ont de la difficulté à terminer leurs études puisqu’ils remplacent déjà à temps plein, faute d’enseignants. Non, le mentorat n’est pas suffisant. Que faire avec le cursus universitaire obligatoire? Est-il encore collé à la réalité du terrain?

Oui, nous y avons cru lorsqu’on disait que nous étions enseignants par «vocation». Cette même vocation qui nous pousse sans cesse à ne pas compter nos heures, le jour, le soir et les fins de semaine, au grand bonheur d’un système qui ne les reconnaîtra pas. Pourquoi faudrait-il améliorer les conditions de travail des enseignants? Ils sont là par vocation, par don de soi… Non, ça suffit. Nous sommes passionnés et dévoués au cheminement de nos élèves, mais il est temps de respecter notre expertise à sa juste valeur. N’avons-nous pas la responsabilité de former la relève de notre société? L’éducation n’est-elle pas un investissement?

Non, nous n’y croyons plus depuis des décennies à l’école à trois vitesses. L’école à trois vitesses n’est pas un système complémentaire, mais bien une réponse organisationnelle plus qu’imparfaite à un manque de volonté politique à répartir équitablement les ressources et accentuant du même coup les inégalités socio-économiques. Était-ce vraiment la volonté du rapport Parent? Résultat, l’école publique, la vraie, se meurt, au détriment de milliers d’élèves qui n’auront pas les mêmes chances que leurs collègues du privé et des programmes spéciaux. Comment niveler vers le haut ces classes ordinaires et permettre un accès sans restrictions à ces programmes?

Et que dire de la mission de l’école québécoise qui ne cesse de s’alourdir malgré le manque de moyens? Éducation à la sexualité, brossage de dents, éducation financière, parascolaire obligatoire, cours d’entrepreneuriat, nouveau programme de culture et citoyenneté québécoise…etc.

Oui, nous y avons cru lorsqu’on nous disait que l’eau était potable et que la qualité de l’air était impeccable dans nos écoles. Nous y avons cru jusqu’à ce que les scientifiques nous disent l’inverse.

Oui, M. Drainville, nous laissons la chance au coureur, mais pardonnez-nous d’être aux aguets. À force de travailler à faire rêver nos élèves pour qu’ils ne voient pas la réalité de notre système d’éducation, nous avons perdu espoir en l’arrivée de ministres qui ne parviennent que très rarement à améliorer notre quotidien. Sachez toutefois que vous êtes notre ministre et que nous mettons nos espoirs en vous. Peut-être saurez-vous redonner ses lettres de noblesse et de la reconnaissance à notre profession. Non, ce n’est pas uniquement une question de salaire, c’est une question de conditions de travail, c’est une question de bien-être et de développement de nos élèves. Les enfants du Québec méritent ce qu’il y a de mieux pour eux. Vous nous trouverez toujours à vos côtés afin de développer le plein potentiel des enfants.

Cordialement,

Les enseignants de l’École Pointe-Lévy

*Lettre cosignée par 125 enseignants de l’École Pointe-Lévy

Les + lus