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Lettre ouverte - Marguerite Blais, ministre responsable que de 2 % des aînés?

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CRÉDIT : CRISTIAN NEWMAN - UNSPLASH

19 mai 2021 07:18

Dans une entrevue au Soleil publiée le 7 mai, Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, s’offusquait qu’on puisse remettre en cause les avancées du gouvernement actuel. Il faut admettre qu’il y a des annonces. La ministre vient de présenter une politique d’hébergement et de soins et services de longue durée ainsi qu’une politique nationale pour les personnes proches aidantes.

Pourtant, ces mesures ainsi que les investissements récents ne visent qu’à améliorer la prise en charge des aînés sans remettre en cause les logiques et paradigmes qui sont à l’œuvre depuis plusieurs dizaines d’années au Québec.

Or, la crise sanitaire que nous traversons a démontré que cette formule ne fonctionne plus. Le prix qu’ont payé les aînés depuis mars 2020 pour faire cette démonstration nous serre l’estomac de colère et de tristesse.

Nous pensons aux personnes décédées, bien sûr, mais aussi à toutes celles qui ont traversé cette année dans la crainte et dans l’isolement. Avant la première vague, la situation des aînés était déjà très préoccupante; le statu quo est devenu inacceptable et notre blessure collective est bien réelle.

Toutes et tous, nous devons prendre conscience que cette crise n’est que la première des crises à venir si nous ne changeons rien, alors même que d’ici 2030, une personne sur quatre sera âgée de plus de 65 ans. Bien qu’un récent sondage Léger dévoile que 91 % des plus de 55 ans désirent rester chez eux pour la vie, force est de constater que le Québec ne le permet pas.

Collectivement, nous privons nos aînés de cette liberté fondamentale de choisir où ils veulent vivre. Sur le terrain, nous constatons cette réalité : quand on est vieux, on déménage. Le virage du soutien à domicile, évoqué depuis 20 ans par les gouvernements successifs, ne s’est jamais concrétisé. Le recours à l’hébergement par manque de connaissances des services disponibles, par peur d’être isolé ou par manque de moyens financiers, reste la norme pour notre société.

Dans la même entrevue, la ministre Blais reconnaissait que seuls 2,8% des aînés vivent en CHSLD. Ces établissements sont évidemment nécessaires lorsque la perte d’autonomie est très avancée. Mais pourquoi en faire l’alpha et l’oméga de la politique gouvernementale? Pourquoi la ministre responsable des Aînés n’est-elle pas aussi responsable du dossier du soutien à domicile, alors même que cela concerne 98% des aînés?

Outre le fait que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a légitimement d’autres priorités depuis son arrivée en poste, comment justifier que la ministre des Aînés ne soit responsable que de 2% d’entre elles et eux? Nous devons refuser la fatalité du déménagement et la marchandisation de la prise en charge des aînés.

Un modèle fondé sur la dignité et l’humanité est possible. Sans attendre, il faut ouvrir un véritable chantier sur le soutien à domicile. Il faut avoir le courage de changer de paradigme. Pas seulement pour la satisfaction de le dire, mais avec le pragmatisme et la volonté de le faire. Le Réseau de coopération des entreprises d’économie sociale en aide à domicile (EÉSAD) est prêt à relever ce défi et il tend la main au gouvernement ainsi qu’à toutes les forces sociales pour que chacun, dans les prochaines années, puisse affirmer «Chez moi pour la vie».

J. Benoit Caron, directeur général du Réseau de coopération des EÉSAD

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