La communauté anglicane de New Liverpool reprend vie dans une monographie de la Lévisienne Julie S. Doyon. À travers l’histoire de l’ancienne église, l’ouvrage plonge le lecteur au cœur de la vie de ces paroissiens méconnus qui ont pourtant marqué le développement du secteur Saint-Romuald.
Par Aude Malaret - audemalaret@journaldelevis.ca
Dans la côte Rouge, un bâtiment de pierre surmonté d’un clocher. C’est l’ancienne église anglicane de New Liverpool. Transformé en résidence après sa fermeture en 1975, le sanctuaire désacralisé connaît une seconde vie, d’abord entre les mains de la famille Norman, puis du fondateur d’IMAFA, André Fortin, à partir de 1984 et, en 2001, de sa conjointe Julie Suzanne Doyon, directrice générale de la société immobilière de location commerciale et industrielle lévisienne.
Installée entre ces murs, qui ont abrité dès 1841 la communauté anglicane de New Liverpool, l’idée a germé dans l’esprit de Julie S. Doyon de retracer l’histoire de la demeure familiale, mais surtout de celles et ceux qui ont bâti l’édifice religieux, l’ont entretenu et y ont célébré les temps forts de leur existence.
«On réfléchissait depuis plusieurs années à la façon dont on pourrait rendre hommage aux anglophones qui ont supporté cette église pendant 135 ans et même plus. Je me disais que la meilleure façon de le faire, c’était de raconter leur histoire. Pour la raconter, il faut la connaître et pour la connaître, il faut faire des recherches», partage l’autrice de Mission New Liverpool : l’histoire de sa communauté anglicane et de son église, qui paraîtra le 11 avril prochain aux éditions du Septentrion.
Un ouvrage richement illustré et documenté
Monographie historique richement illustrée et documentée grâce au travail considérable mené par Julie S. Doyon, l’ouvrage retrace en quatre parties les débuts de la petite communauté, son expansion et son déclin, tout en mettant en lumière les grandes familles et les entreprises qui ont permis au territoire de prospérer, avant de terminer sur la transformation de l’église en résidence. L’autrice a aussi eu à cœur de mieux faire connaître le culte anglican et ses traditions.
À partir de 2015, Julie S. Doyon se lance dans les recherches afin de découvrir qui étaient les paroissiens de la communauté de New Liverpool et comment ils avaient vécu. Grâce à l’aide de l’anthropologue Marta Souza et à la collaboration des sociétés d’histoire de Saint-Romuald, de Lévis, de Sainte-Hélène-de-Breakeyville ainsi que de Saint-Nicolas et de Bernières, la passionnée reconstitue petit à petit la chronologie des événements. Mobilisée par son ouvrage, elle poursuit son travail les soirs, les fins de semaine et pendant les vacances. Julie S. Doyon consulte aussi les archives, comme celles du diocèse anglican, à l’Université Bishop’s à Sherbrooke.
«Ça a amené beaucoup d’eau au moulin. J’ai lu ce que j’avais sous la main, comme les contrats qu’il fallait déchiffrer ou les registres. Les registres d’état civil, qui sont des actes officiels que remplissaient les curés, sont une mine d’informations et ils sont disponibles en ligne, illustre-t-elle. C’est colossal comme travail de recherche, parce qu’on peut trouver l’information partout.»
De pôle économique majeur à une communauté en déclin
Si le site était fréquenté depuis des millénaires, en particulier par les peuples autochtones il y a 9 500 ans, l’histoire de New Liverpool a véritablement débuté au début du 19e siècle dans l’effervescence des chantiers de construction navale et le commerce du bois.
«J’aime bien dire que c’est la faute à Napoléon. Quand il a imposé son blocus continental au début du 19e. La Grande-Bretagne, qui était une grande puissance navale, avait besoin de bois pour assurer sa suprématie et elle ne pouvait plus s’approvisionner dans les pays de la Baltique. Donc, elle s’est tournée vers ses colonies nord-américaines. Les hommes d’affaires se sont alors intéressés au territoire», explique l’autrice. Et de poursuivre : «C’était un site économique majeur dans tout le pays. C’était un bourg où passaient des quantités de bois phénoménales et ça s’est maintenu pendant une bonne partie du 19e siècle.»
Ainsi, dans les années 1830 puis 1840, la population anglicane augmente fortement, ce qui justifie la construction d’une église pour la communauté, qui ouvrira ses portes en 1841. Dans la décennie 1870, l’effondrement du commerce du bois fait mal à la communauté qui déclinera avec le départ de plus en plus de familles et la disparition des activités économiques. C’est finalement la perte du pasteur de l’église de New Liverpool dans les années 1930 qui va signer la fin progressive de la communauté. La solidarité et la ferveur n’auront pas suffi à la maintenir en vie. Les offices se font rares, l’église est vandalisée plusieurs fois jusqu’à sa fermeture en 1975.
Après le récit historique, Julie S. Doyon ouvre les portes de la demeure familiale dans la dernière partie de son ouvrage. Elle détaille les travaux effectués par les deux propriétaires successifs et la transformation des lieux, qui n’a jamais mis à mal le caractère patrimonial de l’église et de son environnement, bien au contraire. La charpente du chœur a été mise en valeur, les boiseries des bancs paroissiaux réutilisées et l’espace accueille les œuvres collectionnées par le couple passionné d’art. Grâce à des agrandissements modernes, habilement disposés sous et derrière l’édifice, les lieux continuent à rassembler la communauté autour de la famille Doyon-Fortin, qui a toujours aimé recevoir.
«À notre façon, on fait un peu comme les anglicans, on réunit le monde, souligne Julie S. Doyon, qui a renforcé encore davantage son attachement à la résidence pendant l’écriture de son livre. On l’aime encore plus. Habiter une maison comme ça, c’est fabuleux. L’entretenir, la supporter, on réalise tout le poids que ça peut représenter sur une communauté.»