mercredi 4 décembre 2024
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Pénurie de médecins de famille

Départ des médecins : un coût humain important

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Thérèse Gendron, 75 ans, vient de retrouver un médecin de famille. Hilda Guérard, 70 ans, a un médecin de famille, mais est incapable de le voir. – Photo : Mélanie Labrecque

05 nov. 2024 07:31

Depuis 2020, sept médecins de famille du territoire de la MRC de Lotbinière ont pris leur retraite et un huitième suivra sous peu, en décembre. La conséquence, c’est que des milliers de patients se sont retrouvés orphelins, pour certains depuis plusieurs années.

Thérèse Gendron, de Laurier-Station, Hilda Guérard, de Dosquet, et André Gosselin, de Saint-Flavien, sont au nombre des aînés de la région qui ont de la difficulté à voir un docteur et obtenir des soins.

«Si tu es malade, tu ne peux rien avoir à part les urgences. Si tu n’as pas de médecin, tu es barré», a constaté Thérèse Gendron.

La dame de 75 ans vient à peine de retrouver un médecin de famille après avoir été orpheline pendant plus de cinq ans. Récemment, elle a fait deux bronchites et une infection urinaire qui aurait pu atteindre ses reins. De plus, elle a des problèmes de glande thyroïde qui nécessitent un suivi régulier, ce qu’elle a de la difficulté à avoir.

Médecin difficile à voir

Hilda Guérard, pour sa part, n’est pas une patiente orpheline, mais c’est tout comme si elle l’était. Son médecin était attaché à la clinique de Saint-Agapit avant sa fermeture. Ce dernier pratique maintenant à la clinique Lévis-Les Rivières et il lui est presque impossible de le voir. En fait, elle n’a pas pu le consulter depuis la pandémie de COVID-19.

Cette année, elle s’est rendue à Fortierville pour une grippe qui ne semblait pas guérir. Elle a également fait une cellulite cet été. «J’ai été hospitalisée pendant deux jours. Ma jambe est encore rouge et personne ne peut me dire si c’est correct. Je me suis rendue à Montmagny pour des piqûres dans les genoux, mais on n’a pas voulu me les donner parce que j’avais fait une cellulite. Je suis allée là pour rien. C’est une heure et demie de route. On nous dit d’être patients, mais je suis à la veille de ne plus l’être.»

À travers tout ça, Mme Guérard est toujours préoccupée pour sa jambe. «Elle est encore rouge et enflée. Je ne sais pas si c’est normal ou si je dois m’inquiéter.» De surcroît, elle n’est pas totalement remise de sa grippe et elle tousse toujours. Il a fallu encore qu’elle se rende à l’urgence de Fortierville. «Le médecin a envoyé une demande à Lévis pour que je sois vue par un pneumologue. Elle a écrit que c’est urgent, mais je n’ai pas eu de nouvelles.»

André Gosselin, 85 ans, est orphelin depuis 2018. En quelques mois, il a perdu son médecin de famille, Dr Cantin, à Sainte-Croix, ainsi que le médecin qu’on lui avait recommandé, Dr Monfette, à Laurier-Station. Les deux ont pris leur retraite.

En plus des enjeux de santé, l’impossibilité de consulter un médecin pourrait avoir un impact significatif dans son quotidien. Il doit voir un médecin pour le renouvellement de son permis de conduire. «En novembre, ce sera fini parce que je n’ai pas de médecin.»

Ce n’est pas faute d’avoir essayé. «J’ai passé deux à trois heures au téléphone à patienter avant que ça ne raccroche. Je suis venu au Carrefour des personnes aînées pour avoir de l’aide. Avec Annie [Paquet], on a encore attendu deux heures», a-t-il raconté.

De problème mineur à majeur

La résidence Les Jardins Marie-Pier, de Saint-Flavien, compte 37 résidents semi-autonomes. La propriétaire, Nathalie Baribeau, a constaté au fil des années une détérioration de leur suivi.

«Les familles, pour diverses raisons, ne peuvent pas toujours accompagner leur parent à l’hôpital. Inévitablement, ça se termine par un transport en ambulance pour des conditions qui pourraient être soignées à la résidence.»

Elle parle, entre autres, de pneumonies ou d’infections urinaires. Dans ce dernier cas, les conséquences sur la santé peuvent être exponentielles. Une infection urinaire non traitée peut s’aggraver rapidement et amener d’autres problématiques : la confusion, la désorganisation, le délire, une chute qui mène à une fracture de la hanche, déplore Mme Baribeau.

Bien que plusieurs n’aient plus de médecins de famille, une infirmière praticienne spécialisée suit plusieurs patients de la résidence, dont ceux qui ont été hospitalisés.

«L’équipe qui vient à la résidence nous entoure bien. Le problème, c’est quand la personne n’a pas de dossier au CLSC, que le médecin est parti à la retraite, qu’elle n’est pas suivie par une travailleuse sociale. Elle n’est pas connue. Presque la moitié de nos résidents sont dans cette situation», poursuit Mme Baribeau.

Cri du cœur

Plus tôt cet automne, le Groupe de réflexion et d’action contre la pauvreté (GRAP) de Lotbinière avait dénoncé les difficultés d’avoir accès à des services de santé de proximité. Depuis, les municipalités de la MRC de Lotbinière adoptent tour à tour des résolutions d’appui à leur démarche. Sur les 18, 14 l’ont déjà fait.

«C’est important de ramener des services dans les régions comme ici. On est rurale, mais on est souvent amalgamé avec Lévis. Ils oublient que c’est important d’avoir des services de proximité», a soutenu la directrice du Centre-Femmes de Lotbinière, Martine Turgeon.

«La mobilité des aînés est difficile. Comme nous n’avons pas de centre hospitalier sur le territoire, il faut constamment aller à l’extérieur pour consulter. On souhaiterait que le CLSC offre de nouveau du sans rendez-vous ainsi qu’une présence sur le territoire comme dans le temps», a renchéri la directrice du Carrefour des personnes aînées de Lotbinière (CPAL), Annie Paquet.

L’informatisation du réseau, les rendez-vous en ligne ou au téléphone contribuent aussi aux difficultés d’accès au réseau pour ces personnes vulnérables. «Ils vont attendre, la situation va empirer et on se retrouvera avec une hospitalisation qui n’était pas nécessaire au début», a poursuivi Mme Paquet.

Les deux femmes soulignent que les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) ne suffisent pas à compenser les départs à la retraite des années précédentes.

Rappelons que les deux derniers PREM n’ont accordé que deux nouveaux médecins facturant à la MRC de Lotbinière.

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