Journal de Lévis (JDL) : Dans quel contexte l’étude a-t-elle pris forme et pourquoi?
Dr Mercier : La maltraitance auprès des personnes âgées est une problématique très complexe. On le sait que ça existe. Les études longitudinales au Canada estiment que c’est environ 10 % des personnes âgées dans la communauté qui seraient victimes de maltraitance.
De l’autre côté, on le sait que les urgences sont l’endroit qui rencontre le plus de clientèles vulnérables. On sait que c’est un endroit qui est excellent pour le dépistage de la maltraitance envers les enfants, de la violence conjugale, de problèmes qui ont des similarités avec la maltraitance des personnes âgées. Donc, l’idée était de se positionner et de voir comment on pourrait dépister cette maltraitance-là à l’urgence pour orienter les patients vers les ressources, leur faire comprendre qu’il existe des ressources et nous même les appuyer un peu devant cette problématique-là.
En ce moment, le taux de détection est [minime], on les détecte pour ainsi dire jamais. On en trouve occasionnellement, mais on dit que le taux de détection est probablement de 0,01 % à 0,05 %. Donc, on est devant une problématique qui est fréquente dans la communauté, une problématique pour laquelle les urgences pourraient servir de dépistage, mais visiblement on rate cette opportunité-là.»
JDL : Comment avez-vous établi la stratégie de questionnement des patients?
Dr Mercier : En médecine, ce qu’on veut faire, c’est trouver le meilleur outil de dépistage qui va exister. Donc, on va faire des questionnaires qui sont complexes, on va essayer de les valider, mais la difficulté qu’on a souvent c’est qu’on ne sera pas capable de le faire pénétrer dans la pratique clinique.
On s’est posé la question un peu à l’envers. Si on demande bien franchement aux gens qui ont la possibilité de répondre, est-ce qu’ils vont nous le dire? Ce que nous avons fait, c’est que nous posions deux questions aux patients : est-ce qu’ils pensaient qu’ils étaient victimes de maltraitance ou est-ce qu’ils avaient été témoins de comportements qui s’apparentaient à la maltraitance ou à la négligence.
JDL : Est-ce que les patients auxquels la question a été posée étaient ouverts à y répondre?
Dr Mercier : Les gens étaient de un surpris, mais je dirais agréablement surpris qu’on s’y intéresse. L’autre chose, c’est que les gens ont répondu positivement. C’est une personne sur vingt qui a répondu “Oui”, soit 5 %. On n’est pas dans le 10 % de la communauté qu’on estime donc probablement qu’on en a manqué, mais on sait qu’on en découvrait potentiellement un sur deux ou deux sur trois des cas de maltraitance qu’il y a dans la communauté actuellement.
JDL: Que tirez-vous de cette étude pour le milieu des urgences?
Dr Mercier : La conclusion est qu’on peut utiliser les urgences comme lieu de dépistage de la maltraitance envers les aînés et que si l’on pose la question, il y a une proportion significative de gens qui vont répondre.
Dans le contexte actuel, je suis loin d’être convaincu qu’on devrait dépister tout le monde de manière universelle, parce que ça devient une question un peu vide à ce moment-là. Mais, quand on a certains facteurs de risque, quand la personne est rendue à plusieurs consultations un peu inexpliquées ou quand c’est une personne qui a une dépendance, c’est à tout le moins d’avoir un faible indice de suspicion pour oser poser la question.