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Le premier congrès de l’ère Trump

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Photo : Unsplash - CDC

22 févr. 2025 06:00

Le premier grand congrès scientifique américain de l’ère Trump a été marqué par «l’incertitude» et «l’anxiété», ont commenté plusieurs personnes présentes sur place.

Par Pascal Lapointe — Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)[1]

La rencontre annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), ces derniers jours à Boston — ville aux 35 collèges et universités —, s’est tenue en effet alors même que le gros des communications des agences de santé des États-Unis est à l’arrêt, que des subventions qui avaient été attribuées sont en réexamen, que des rencontres de scientifiques gouvernementaux sont suspendues, que des emplois disparaissent et que des sites Web sont «nettoyés» de milliers de pages parce qu’ils contiennent des «mots interdits». 

Le congrès en question a une caractéristique : à la différence des congrès d’experts d’un seul domaine, c’est une rencontre multidisciplinaire, où se rassemblent des milliers de scientifiques et de communicateurs de toutes les disciplines. Ce qui signifie que les réactions qu’ont pu y recueillir les journalistes ces derniers jours transcendent les disciplines scientifiques. «Les chercheurs à qui j’ai parlé ont utilisé les mots comme “chaos”, “confusion” ou “cinglé” pour décrire le climat dans leurs institutions», résumait, le 15 février, la journaliste du magazine Science News.

Le journaliste de la revue médicale STAT parle en plus de «colère» face à ce qui se passe depuis le 20 janvier. Et plusieurs constatent que beaucoup de chercheurs hésitent à parler ouvertement. «J’ai eu tellement de gens qui m’ont dit :“Je m’exprime à titre de citoyen, je ne dis pas [à quelle institution] je suis affilié”», a déclaré dans Science News une représentante de l’organisme Union of Concerned Scientists.

En ouvrant le congrès le 13 février, l’administrateur de l’AAAS, Joe Francisco, s’est voulu rassurant : «Le paysage changeant a causé de la confusion, de la colère et de l’anxiété parmi les membres de notre communauté. Tous ces sentiments sont valides.»

«Les décisions qui seront prises par les trois branches du gouvernement dans les prochaines semaines affecteront notre travail pendant des années, a renchéri le président, Sudip Parikh. Les gens nommés aux plus hauts postes de l’actuelle administration n’ont aucune compétence pour faire face aux graves enjeux qui les attendent. Il (Robert F. Kennedy Jr, nouveau ministre de la Santé) n’est pas la bonne personne, parce que guérir des maladies, se préoccuper de santé, nécessite une recherche de la vérité, nécessite de la science.»

Le sentiment général, analyse Science News, est celui de la fin d’un âge d’or pour les États-Unis. L’ère qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale avait souvent été décrite comme celle d’un «contrat social pour la science» : le fait de subventionner la recherche fut profitable pour le développement économique, l’innovation et l’industrie, et la liberté intellectuelle qui en a découlé a contribué à attirer aux États-Unis des cerveaux d’un peu partout dans le monde.

À présent, non seulement n’est-il pas certain que les jeunes chercheurs d’ailleurs seront encore attirés, mais même de jeunes chercheurs américains pourraient être tentés d’aller trouver des opportunités ailleurs. 

Faut-il se taire en espérant que la tempête passe ou prendre position? «Votre silence ne va pas vous protéger», a répondu au cours d’une session sur les «déterminants des politiques en santé» l’épidémiologiste Gregg Gonsalves, de l’École de santé publique de l’Université Yale.

Parmi ceux qui prennent position, l’Union of Concerned Scientists (UCS) a déjà rassemblé 50 000 signatures pour une lettre ouverte aux élus du Congrès dénonçant les «actions antiscience».

Une autre piste est d’effectuer un suivi régulier des impacts sur la santé, l’environnement et l’économie qu’auront les actions de la nouvelle administration. «Tout ce qui se passe maintenant aura des impacts immédiats, mais aussi des impacts à moyen et à long terme, qui toucheront chaque État du pays», a expliqué le directeur des communications de l’UCS. Les scientifiques devront «continuer de souligner comment, lorsque la science est censurée, les gens sont affectés».

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