Dans son plan budgétaire, Eric Girard prend en considération que les droits de douane imposés par les États-Unis seraient ajustés au cours des prochains mois, qu’ils seraient équivalents à des tarifs de 10 % et qu’ils pourraient être en place pour une période transitoire de deux ans.
Le ministre des Finances est toutefois conscient de la possibilité que les tarifs douaniers ne soient pas aussi favorables que le budget le prévoit.
«Il existe toutefois une autre possibilité, un précipice, où des tarifs de 25 % sont imposés sur l’ensemble des biens en circulation en Amérique du Nord», a admis Eric Girard.
Advenant cette situation, le ministre des Finances sait que le gouvernement provincial risquerait une récession et pourrait être forcé à modifier la Loi sur l’équilibre budgétaire pour reporter le retour au déficit zéro.
Des mesures totalisant 12,3 G$ d’ici cinq ans sont prévues pour soutenir la création de richesses ainsi que la population dans l’incertitude économique liée à la guerre tarifaire.
Le ministre des Finances compte faire des changements au régime fiscal, ce qui permettrait d’aller chercher 3 G$ sur cinq ans. Il prévoit également le retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2029-2030.
«Le budget que je présente aujourd'hui vise à préparer l'économie du Québec aux défis qu'engendre l'incertitude entourant les tarifs douaniers imposés par la nouvelle administration américaine. Nous agissons pour aider nos entreprises en misant sur leur capacité à innover et sur l'apport de nos régions, et nous poursuivons nos efforts pour renforcer nos réseaux de la santé et de l'éducation, pour soutenir les personnes plus vulnérables et pour faire rayonner la culture québécoise», a indiqué Eric Girard.
Création de richesse
Afin de réduire les impacts des tarifs douaniers sur les entreprises et de stimuler la création de richesse, le ministre des Finances propose différentes actions totalisant des dépenses de 5,4 G$. Il entend notamment augmenter ses investissements dans les infrastructures, travailler avec les autres provinces pour diminuer les obstacles au commerce sur le marché canadien et stimuler les investissements dans les entreprises pour qu’elles développent leur marché à l’international.
En ce sens, le gouvernement octroie un budget de 4,1 G$ pour offrir une aide transitoire aux entreprises qui servira à appuyer les projets d’investissements, à favoriser la diversification des marchés et à faciliter le repérage des produits québécois.
Dans le but de favoriser l’apport des régions dans la création de richesse, le budget prévoit 759 M$ sur cinq ans pour valoriser les minéraux critiques et stratégiques, pour soutenir le secteur forestier, pour poursuivre l'appui au secteur touristique et pour favoriser le développement du secteur bioalimentaire.
«La création de richesse au Québec passe par l’apport de nos régions. Avec leurs ressources naturelles, leur savoir-faire et leurs industries stratégiques, elles contribuent à la résilience et à la diversification de l’économie», a mentionné Eric Girard.
Santé
Si des dépenses sont faites pour créer de la richesse, le budget prévoit surtout des coupes dans plusieurs secteurs, notamment la santé. Les hausses de dépenses seront limitées à 3 % cette année et à 2 % l’année suivante pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les hausses ne couvrent pas l’augmentation des coûts du système, comme les salaires.
Le budget prévoit un montant de 3,9 G$ d’ici cinq ans pour financer l’offre de traitements pharmaceutiques dans les hôpitaux, pour former des médecins, pour répondre aux besoins croissants en protection de la jeunesse, pour pérenniser le financement des centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) publics et privés ainsi que pour élargir la vaccination auprès des clientèles vulnérables.
Éducation
Quant au ministère de l’Éducation, il connaîtra une croissance de 2,2 % cette année et de 2 % l’année suivante. Cette hausse ne sera pas suffisante pour couvrir la hausse des salaires dans le secteur. Elle vient avec un montant de 1,1 G$ sur cinq ans pour valoriser la réussite éducative.
Personnes vulnérables
Les personnes vulnérables obtiendront 550 M$ de plus d’ici six ans pour soutenir l’accès au logement ainsi qu’un montant de 247 M$ pour favoriser l’intégration à l’emploi et augmenter l’aide alimentaire.
Culture
Dans le but de valoriser la culture et le patrimoine québécois, 544 M$ sur cinq ans seront consacrés à financer le Conseil des arts et des lettres du Québec et à soutenir les entreprises culturelles.
Ce qu’ils ont dit
Voici ce qu’ont dit différents joueurs de la sphère publique.
«Dans un contexte économique particulièrement instable, ce budget apporte des leviers concrets pour soutenir nos entreprises régionales. Toutefois, pour qu’elles puissent réellement en tirer profit, il faut s’assurer que les règles d’octroi de contrats publics soient modernisées et que les entreprises puissent continuer d’accueillir et de retenir les travailleurs étrangers temporaires dont elles dépendent. À Lévis comme ailleurs, ce sont ces travailleurs qui permettent à plusieurs PME de maintenir leurs activités et de croître. Il est impératif que les mesures budgétaires s’accompagnent d’une vision claire en matière de main-d’œuvre», a expliqué Marie-Josée Morency, présidente-directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Lévis.
«Bien que certaines de ses préoccupations aient été entendues, la Communauté métropolitaine de Québec (CMQuébec) exprime tout de même sa déception face à l’absence de financement pour plusieurs projets jugés prioritaires pour la région métropolitaine de Québec. Malgré les demandes formulées […], elle constate notamment que de nombreux besoins en mobilité, pourtant essentiels pour le développement et la vitalité de la région, n'ont pas été pris en considération», a partagé la CMQuébec.
«Au terme de son deuxième mandat, Éric Girard nous aura présenté sept budgets déficitaires consécutifs sur un total de huit. Après sept ans de mauvaise gestion, François Legault continue de creuser le déficit sans offrir de résultats concrets pour les Québécois. Pendant que la CAQ dilapide l'argent public, les Québécois peinent à se loger, à se nourrir et à accéder aux services publics essentiels», a argué Frédéric Beauchemin, député du Parti libéral du Québec et porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances.
«La réponse de la CAQ à l'incertitude, c'est de continuer de couper et d'affaiblir nos services publics avec un budget d'austérité. Tout le Québec a compris qu'on s'en va en récession et que les tarifs de Trump vont faire extrêmement mal. Et que fait la CAQ? Elle en rajoute une couche! En effet ce budget est un triple coup dur pour les Québécois : comme consommateurs qui paient les tarifs, comme travailleurs qui risquent de perdre leur job, et comme utilisateurs des services publics qui sont coupés par l'austérité caquiste», a déploré la députée solidaire et porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’économie et d’innovation, Alejandra Zaga Mendez.
«Je constate l'évidence : la CAQ a malheureusement battu son propre record et les Québécois se retrouvent devant le pire déficit de leur histoire à 13,6 G$. Ce déficit passera à potentiellement 14,8 G$ si on prend le scénario où des tarifs de 25% seraient imposés, et non pas de 10 %, comme le prévoit le budget actuel. Ce déficit n'est aucunement lié à la situation avec les États-Unis, il est l'œuvre des mauvais choix successifs de la CAQ et de la mauvaise gestion généralisée de ce gouvernement. La CAQ est responsable de la situation dans laquelle on se retrouve», a soutenu Paul St-Pierre-Plamondon, chef du Parti québécois.