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Chronique historique

Un premier ministre «perdu» à Lévis il y a 150 ans?

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John A. Macdonald vers 1870. Photo : Bibliothèque et Archives Canada

07 juil. 2023 08:02

Un premier ministre du Canada en fonction porté disparu pendant quelques jours, voilà ce qui s’est produit lorsque John Alexander Macdonald (1815-1891) est introuvable pour un temps en août 1873, soit il y a 150 ans. Était-il à Lévis?

Par Claude Genest - Collaboration spéciale

Premier à occuper la fonction de premier ministre de l’histoire du Canada, Sir John A. Macdonald est un politicien conservateur marquant de son époque pour toutes sortes de raisons, bonnes et mauvaises. Grand stratège, on le compte parmi les «Pères de la Confédération» canadienne. À la fois aimé et détesté, sir John est aussi reconnu pour ses problèmes avec la dive bouteille. Ses abus d’alcool sont connus des historiens et sont, peut-être, à l’origine de ce que l’auteur Peter Black a appelé «le week-end perdu» de John A. Macdonald dans la revue d’histoire canadienne The Beaver en octobre-novembre 2007.

La situation est la suivante : pendant quelques jours du mois d’août 1873, le premier ministre canadien est, selon une lettre du gouverneur général Lord Dufferin, «perdu avec un ami dans les environs de Québec». Ébranlé par la mort en mai de son grand allié, Sir George-Étienne Cartier, et par le scandale du Canadien Pacifique, Macdonald voit son étoile pâlir en cet été de 1873. Selon son biographe Donald Creighton qui cite la lettre de Dufferin, il est dépressif et boit énormément en cette période tourmentée pour lui. Des rumeurs circulent même dans les journaux à l’effet qu’il se serait suicidé.

Peter Black souligne les différentes hypothèses, dont celle de Bruce Hutchison selon laquelle il s’est réfugié à Lévis. Cette hypothèse est fort plausible en raison des nombreux liens de Macdonald avec notre ville. Un témoignage du poète et un jour député libéral à Ottawa, Louis-Honoré Fréchette, alimente cette piste. En effet, Fréchette mentionne dans ses Mémoire Intimes que sa maison natale de Lévis «fut longtemps habitée plus tard par un monsieur Young, un cousin de Sir John A. Macdonald. Le célèbre homme d’État y est venu plus d’une fois se mettre à la retraite pour se reposer de ses travaux et secouer un peu les soucis de la vie publique. Il y passa même trois semaines après la fameuse affaire restée célèbre dans nos annales politiques sous le nom de scandale du Pacifique». Voilà de quoi soutenir l’hypothèse lévisienne.

Les liens entre Sir John et Lévis ne sont pas uniquement liés à son cousin Young. Au moment de son décès, le journal Le Quotidien du 12 juin 1891 publie un article qui s’intitule «Sir John ancien citoyen de Lévis». On y relate qu’il venait aussi se reposer parfois l’été dans une maison qui appartenait à Léon Samson sur la rue Commerciale. Plus encore, le même journal nous informe que le conseil municipal a voté une résolution pour saluer la mémoire «des quelques années qu’à vécues autrefois» à Lévis la veuve du politicien, Susan Agnes Bernard.

Avec mon ancien collègue Pierre Poulin, nous avons publié sur le sujet et étalé nos informations dans une édition spéciale du The Beaver à l’occasion du 400e de la ville de Québec en février-mars 2008. À cette occasion nous avons mis de l’avant des témoignages historiques qui étaient à l’évidence méconnus des historiens anglophones du Canada et qui renforcent l’hypothèse que Macdonald se serait caché quelques jours à Lévis en cet été de 1873.

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