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Chronique historique

La bilocation funéraire de l’honorable George Couture

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Cardiotaphe de George Couture conservé par la Société d’histoire de Lévis. Photo : Vincent Couture

18 août 2023 09:37

Lorsque l’on franchit l’entrée principale du cimetière du Mont-Marie, une personne curieuse remarque, à droite, un immense monument funéraire à la mémoire de l’homme d’affaires, conseiller législatif, politicien municipal et chevalier de l’ordre du Saint-Sépulcre, l’honorable George Couture (1824-1887). Ce que les promeneurs ne savent pas c’est que, malgré l’ampleur du site, son cœur enrobé de plomb est conservé ailleurs.

Par Claude Genest - Collaboration spéciale

C’est il y a quelque 15 ans lors de mon mandat à la présidence de la Société d’histoire de Lévis (SHL) que l’on me montra sans doute l’artéfact le plus étrange conservé par la SHL, soit le cœur de George Couture. L’objet est fascinant et il faut le dire assez unique, du moins de ce côté de l’Atlantique. Nous voilà donc en présence du véritable organe vital de Couture enrobé soigneusement dans du plomb. Le tout est déposé dans une sorte de contenant indiquant qu’il s’agit de son cœur. Avouons que le tout n’est pas banal.

Personnage marquant du XIXe siècle sur la Rive-Sud, George Couture s’est surtout illustré dans le commerce et par sa remarquable charité envers sa communauté, notamment auprès du Collège de Lévis, du Couvent de Lévis, de l’orphelinat Notre-Dame, mais surtout en faveur de l’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance dont il fut un grand philanthrope. Pour les curieux, sachez qu’une courte biographie parue en 1884 de Couture est disponible gratuitement en ligne sous la plume avisée de Joseph-Edmond Roy.

Lors de son décès, le 4 novembre 1887, les témoignages d’estime sont nombreux. À Québec, Le Courrier du Canada du 7 novembre souligne que «le défunt laisse après lui un nom sans tache, qui restera longtemps gravé dans la mémoire de ses concitoyens». Les funérailles ont lieu le mercredi 9 novembre et Le Journal de Québec (l’ancien) rapporte dans son édition du 10 novembre qu’un «chœur de 150 voix composé des élèves du collège» a chanté «la Messe des morts harmonisée, de Perrault». Le même journal avait publié deux jours plus tôt un aperçu de ses charités qui totalisent, selon Joseph-Edmond Roy, plus d’un quart de million de dollars, somme colossale pour l’époque.

Mais en marge de tout cela se déroule en privée une pratique funéraire hors du commun, soit d’extraire le cœur du corps et de l’enrober dans du plomb. À la lumière de quelques recherches, on constate que ce rituel date du Moyen-Âge et est pratiqué par la royauté et par une certaine élite.

Que trouverait-on si on l’ouvrait aujourd’hui? Un entrefilet paru en France dans la revue Sciences humaines en mai 2021 raconte que l’on a ouvert le «cardiotaphe» d’un tel cœur retrouvé en Normandie et qu’il était parfaitement conservé. «Probablement d’abord plongé dans une solution alcoolisée ou bouilli, l’organe avait été ensuite embaumé grâce à un mélange contenant des plantes – d’où l’odeur de menthe poivrée», nous raconte le texte de la plume d’Hélène Frouard.

Dans le cas de Couture, on peut donc déduire que son cœur fut extrait et enrobé entre sa mort le vendredi 4 novembre et les funérailles du mercredi suivant. Quoi qu’il en soit, il est louable de se souvenir de cet homme à la charité débordante et dont le cœur est conservé outre-tombe dans le plomb.

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