Toute sa vie, Sandra Demontigny avait cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Son père et sa grand-mère avaient tous deux été atteints de la maladie d’Alzheimer précoce génétique, une forme qui ne représente que 5 % des cas et qui se transmet par les gènes. Par un test, il est possible de savoir, avant l’apparition des premiers symptômes, si une personne à risque possède le gène de la maladie. Sandra Demontigny a toutefois refusé d’effectuer ce dépistage. Connaissant la possibilité qu’elle avait de recevoir ce pronostic, elle a décidé de choisir de vivre sa vie à 100 %.
«J’avais fait le choix de ne pas faire le dépistage parce que je me disais que ça allait m’empoisonner la vie si je l’avais su à 20 ans. Je me suis dit que j’allais faire comme si j’étais atteinte dans le sens où je devais profiter de ma vie comme si on m’avait annoncé une mauvaise nouvelle», explique Sandra Demontigny.
Sage-femme de formation, la Lévisienne en a profité pour réaliser ses rêves sans les remettre à plus tard. Elle a, entre autres, travaillé dans les pays en voie de développement lors de courts mandats en Afrique, notamment. Elle a également pu réaliser son rêve d’aller vivre en Bolivie pendant un an avec sa famille.
«Je voulais que mes enfants connaissent autre chose que l’Amérique du Nord confortable. Ils sont allés à l’école là-bas. Ils ne parlaient zéro espagnol. On a appris super vite», raconte la mère de trois enfants.
Lorsqu’elle a reçu son diagnostic, c’est une onde de choc qui a frappé Sandra Demontigny, bien qu’elle savait qu’il y avait des risques élevées de le recevoir.
«Même si je m’en doutais beaucoup, il y a toujours un fond de moi qui espérait que non. Quand le médecin me l’a annoncé, j’ai beaucoup pleuré. [Je n’y croyais pas]», souligne-t-elle.
Depuis six ans, elle et ses proches ont également constaté une aggravation de la maladie. «Ça se détériore. C’est difficile à dire, parce que je vais toujours trouver que c’est trop vite, mais ça progresse quand même. J’habite dans une résidence. Il y a toujours des gens autour. Ça va bien et je n’ai pas de besoins particuliers, mais la journée où je vais en avoir besoin, je serai déjà là», indique la Lévisienne.
Un travail acharné
Quelque temps après avoir reçu son diagnostic, Sandra Demontigny a fait le choix qu’elle ne veut pas se rendre à un point trop avancé de la maladie où elle n’aurait plus de qualité de vie, pour elle et ses proches. Le problème était, qu’à ce moment, aucune solution ne s’offrait à elle, comme l’aide médicale à mourir ne pouvait être demandée de manière anticipée. La loi dictait alors qu’il fallait obtenir un consentement éclairé du patient jusqu’à la fin.
«Je ne subirai pas cette maladie-là jusqu’à temps que ce soit très intense, comme j’ai vu mon père la subir. Je ne veux toujours pas mourir parce que, encore aujourd’hui, malgré les choses qui m’énervent et qui me font pleurer, je trouve que ce que j’ai, c’est quand même super positif, mais […] à partir du moment où j’ai fait ce choix-là, j’ai commencé à me sentir plus zen», indique-t-elle.
Cette dernière a donc commencé à s’exprimer sur les réseaux sociaux et à sortir dans les médias pour s’exprimer sur le sujet, devenant le visage des demandes d’aide médicale à mourir anticipées. Elle s’est également impliquée auprès de la commission spéciale qui étudiait les enjeux d’élargissement de l’aide médicale à mourir, soumettant un mémoire qu’elle a ensuite été invitée à présenter devant la commission. La Lévisienne est également porte-parole de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD).
C’est finalement le 30 octobre 2024, date d’entrée en vigueur de la loi sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux demandes anticipées, que le combat de Sandra Demontigny s’est soldé par une victoire. Le Québec est la seule province où cette mesure est accessible à ce jour.
«Je suis fière de mon Québec. Je trouve qu’on a fait beaucoup de travail et ça fait longtemps que ça dure, mais on voulait bien faire les choses et là on est rendu au bout», se réjouit la Lévisienne qui souhaite continuer de s’impliquer tant qu’elle en sera capable.
Cette année, elle a également reçu une reconnaissance importante, ayant été nommée Personnalité de l’année du magazine L’actualité. Le magazine québécois présente chaque année un palmarès de cinq personnes aux profils variés.
Son conjoint, André Secours, ajoute que «c’est une belle reconnaissance de la contribution de Sandra qui a mis de l’énergie pour une cause qui la touche personnellement, mais qui touche aussi de nombreuses autres personnes. Je trouve que c’est comme un couronnement de ses années d’implication».
«Mon but, c’était de faire œuvre utile, de m’aider moi, d’aider les gens. Ne plus pouvoir effectuer mon travail, ça a été un gros deuil, mais si je regarde ce que j’ai fait depuis, ça m’a beaucoup apporté à moi et aux gens de la société comme quand j’étais sage-femme. Mon but, c’était d’humaniser les naissances, mais là, maintenant, c’est d’humaniser la mort», conclut Sandra Demontigny.