Dans son rapport, Dr Arnaud Samson se questionne quant à «l’urgence hypertensive non prise en charge» alors que la mesure du patient était de 179/124.

«Il m’a été indiqué (par la direction des soins infirmiers de l’Hôtel-Dieu de Lévis) que cette valeur n’avait pas été jugée crédible par l’infirmier et n’avait pas fait l’objet d’une validation par une méthode alternative», a-t-il soutenu.

Les faits

C’est le 5 juillet 2024 que l’individu a rapporté à sa conjointe qu’il avait des maux de tête persistants. En soirée, il semblait se sentir mieux et le couple s’était même rendu chez des proches.

C’est au matin du 6 juillet, vers 6h, que le quadragénaire se plaignait d’une douleur à l’oreille gauche. Après avoir tenté sans résultat d’obtenir un rendez-vous dans une clinique médicale, il s’est rendu à l’urgence de l’Hôtel-Dieu de Lévis, à quelques minutes de chez lui en voiture, vers 6h43.

Sur place, une évaluation infirmière a été effectuée et sa pression artérielle présentait un résultat de 179/124 tandis que sa fréquence cardiaque, sa saturation en oxygène, sa température et sa fréquence respiratoire se situaient dans les limites «normales». Selon ce que l’infirmer avait noté, on constate que le quadragénaire présentait un syndrome d’allure grippale depuis une semaine, une otalgie droite depuis la veille au soir, sans écoulement, sans vertiges ni acouphènes.

«Toutefois, l’infirmier a ajusté la cote d’information de triage de P4 à P5 afin de lui permettre de réorienter le patient vers une clinique, conformément au protocole en vigueur à l’Hôtel-Dieu de Lévis. Aucune note explicite concernant la réorientation ne figure dans le dossier obtenu», peut-on lire dans le rapport.

Ainsi, l’homme est revenu à sa résidence à 7h40 avec un rendez-vous en clinique médicale le lendemain à 10h30. Il s’est alors recouché et endormi et c’est à 7h56 que sa conjointe a constaté qu’il ne présentait plus de signes de vie. Elle a ainsi contacté rapidement les services d’urgence et a amorcé des manœuvres de réanimation, supervisée par la répartitrice et aidée par un proche présent sur place à ce moment.

Les services d’urgence sont arrivés sur les lieux à 8h04 et l’individu a été transporté à l’urgence de l’Hôtel-Dieu de Lévis où il est arrivé à 8h25. Malgré les tentatives de réanimation, son décès est constaté à 8h50.

Selon l’autopsie effectuée quelques jours plus tard, le Lévisien serait décédé d’une hémorragie cérébrale aiguë et aucune autre lésion traumatique ou anatomique préexistante pouvant expliquer le décès n’a été constatée. «Il ne présentait aucun antécédent médical pertinent et ne prenait aucune médication», ajoute-t-on dans le rapport.

Constat et recommandations

Deux situations semblables à l’Hôtel-Dieu de Lévis faisant l’objet d’un rapport du bureau du coroner ont également eu lieu en 2021 et 2023 où les patients sont décédés après leur passage à l’urgence dans l’attente d’un rendez-vous en clinique médicale le lendemain, l’un présentant une tension artérielle de 200/106 et l’autre de 96/69. Tous deux sont décédés d’un infarctus du myocarde.

De son côté, l’Hôtel-Dieu a assuré qu’un rappel des bonnes pratiques de surveillance et de suivi en ce qui concerne le contrôle des signes vitaux hors norme avait été effectué et qu’une formation portant sur la réorientation et le recontrôle des signes vitaux anormaux a été offerte et complétée en février 2024.

«Malgré la mise en place de mesures par le CISSS-CA, il m’apparaît nécessaire de formuler de nouvelles recommandations pour une meilleure protection de la vie humaine», a partagé le coroner.

Alors, Dr Arnaud Samson a recommandé d’instaurer pour le personnel infirmier exerçant une fonction professionnelle de triage dans les salles d’urgence, dans les plus brefs délais, une formation sur le suivi des signes vitaux hors norme, un rappel spécifique annuel ou biennal sur le suivi des signes vitaux hors nomes et une procédure clinique de contrôle des signes vitaux pour les usagers ambulatoires (âgés de plus de six mois) qui se présentent au triage d’une des salles d’urgence sous leur gouverne pour un problème de santé jugé non urgent lorsque l’unique valeur obtenue est hors norme.

Réaction du CISSS-CA

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA) a confirmé au Journal avoir pris connaissance du rapport «en lien avec ce triste décès».

«Le CISSS-CA reçoit avec ouverture ses conclusions et recommandations. Un plan d'action est en cours d'élaboration», a-t-on indiqué brièvement.