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Tarifs douaniers : réactions des différents joueurs politiques et économiques

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Photo : Courtoisie - Adrian Wyld - La Presse canadienne

04 mars 2025 11:42

L’administration Trump a mis à exécution l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens et mexicains, mardi matin. Voici la position de différents joueurs politiques et économiques par rapport à la nouvelle.

Justin Trudeau

En conférence de presse, mardi avant-midi, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a lancé d’entrée de jeu que «même si les Canadiens sont polis, ils ne reculeront pas devant une bataille». Il confirmé que le pays riposterait à la décision américaine.

«Le Canada a riposté ce matin en mettant en œuvre des droits de douane de 25 % sur 155 G$ de marchandises américaines, comme suit : des droits sur 30 G$ de marchandises immédiatement, puis des droits sur 125 G$ de produits américains dans 21 jours. Nos droits de douane resteront en place jusqu’au retrait de la mesure commerciale des États-Unis. Cependant, dans l’éventualité où les droits de douane des États-Unis restaient en place, nous discutons activement avec les provinces et les territoires pour instaurer plusieurs mesures non tarifaires. Le Canada exhorte l’administration américaine à revenir sur sa décision d’imposer ces droits de douane, mais demeure fermement résolu à défendre son économie, ses emplois et ses travailleurs, en toute équité.»

Le premier ministre indique que le Canada a mis en place un plan d’action efficace contre la lutte au fentanyl, un des arguments de Donald Trump pour déclarer une «guerre commerciale au Canada.»

«Notre frontière est sécure. Nous avons agi et établi un plan de protection de la frontière, le déploiement de drones. Nous avons également nommé un tsar du fentanyl, Kevin Brosseau. Nos gestes fonctionnent.»

Justin Trudeau clame que le président américain a choisi de s’allier à Vladimir Putin, «un dictateur meurtrier», et il s’est adressé à lui directement :

«Je voudrais m’adresser à un Américain en particulier, Donald. Nous avons fait de grandes choses sur la scène internationale. Maintenant, nous devrions travailler ensemble pour faire de l’Amérique du Nord une force.»

Le premier ministre canadien mentionne que le gouvernement analyse présentement des solutions pour alléger l’assurance-emploi et que ces propositions seront faites rapidement. Toutefois, la priorité n’est pas de gérer les conséquences des tarifs douaniers, mais de les empêcher.

«Le but n’est pas de permettre aux Canadiens de passer à travers ces moments difficiles, le but est d’empêcher les Canadiens de devoir vivre ces moments difficiles. Le but principal est de mettre fin à cette guerre commerciale, puisqu’elle ne fera aucun gagnant.»

Justin Trudeau estime que les économies des Canadiens et des Américains sont reliées et que cette guerre commerciale nuira autant aux citoyens des États-Unis que du Canada. Il tentera de faire comprendre au président américain cette situation, mais il ajoute que les demandes de Donald Trump ne sont pas claires.

Le premier ministre canadien réitère que Donald Trump souhaite voir l’économie canadienne s’écrouler afin d’annexer le Canada, mais que cette situation n’arrivera jamais.

Selon Justin Trudeau, une des priorités sera de faciliter les échanges entre les provinces canadiennes.

«Une réunion est prévue entre le premier ministre Trudeau et les premiers ministres des provinces cet après-midi et régulièrement dans les prochaines semaines. La priorité est de garder les Canadiens ensemble dans ces temps difficiles. Cette situation nous est imposée par l’administration américaine, mais nous devons travailler ensemble et demeurer unis pour faire cesser cette situation injuste.»

En terminant, le premier ministre assure que les Canadiens ne souhaitent pas entrer en guerre contre les États-Unis.

«Les Canadiens ne sont pas en colère contre le peuple américain. C'est un plan du gouvernement américain pour nuire à l'économie canadienne. C'est une guerre commerciale qui a été déclenchée, donc nous allons nous tenir debout. Nous sommes fâchés, nous allons nous battre et nous gagnerons.»

François Legault

Lors d’une conférence de presse en après-midi, le premier ministre du Québec, François Legault, s’est présenté accompagné de Christine Fréchette, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, ainsi que de Sonia LeBel, présidente du Conseil du Trésor, pour adresser la situation. D’emblée, François Legault a rappelé que la priorité sera les Québécois et que des mesures seront mises en place pour aider les entreprises de la province.

«Nous mettons en place le nouveau programme FRONTIERE, qui viendra en aide au secteur manufacturier et aux autres secteurs primaires en offrant un soutien pouvant aller jusqu’à 50 M$ par entreprise. Ces aides permettront aux entreprises avec des besoins en liquidités de passer à travers la crise. Les aides prendront la forme de prêt ayant un terme maximal de sept ans avec un moratoire de remboursement allant jusqu’à 24 mois. On va également bonifier l’offre d’Investissement Québec pour venir en aide aux entreprises. Si vous avez des projets, c’est le temps de venir voir Investissement Québec. On a augmenté l’offre, mais plus que jamais, on a besoin de diversifier notre économie.»

Le premier ministre a rappelé que les mesures tarifaires pourraient faire perdre 100 000 emplois au Québec si elles s’étendent sur six mois et 160 000 emplois si elles perdurent pendant 12 mois.

François Legault a mis en lumière quelques éléments qui permettent au Québec de se démarquer. Bien qu’il ne prévoie pas couper l’électricité aux Américains à court terme, toutes les mesures seront éventuellement analysées.

«Contrairement à ce que dit Donald Trump, il ne peut pas se passer de l’énergie et des minéraux critiques, notamment l’aluminium. Les États-Unis ont seulement mis un tarif de 10 % sur ces éléments, puisque les Américains produisent seulement 14 % de leur aluminium, alors qu’ils en importent 60 % de chez nous. Hydro-Québec est aussi une des nos forces et on investit 150 G$ pour doubler la capacité de production et conserver ce levier.»

Le premier ministre est confiant que le Québec s’en sortira mieux que le reste du Canada et il a présenté quelques solutions qui aideront la province à passer à travers la situation.

«On va investir dans la construction d’infrastructures et diversifier notre économie pour en sortir plus fort. J’ai aussi parlé avec Doug Ford pour poser des actions concrètes afin d’augmenter les échanges entre les provinces. On veut rendre ça plus difficile pour les Américains de remporter les appels d’offre en mettant des tarifs supplémentaires de 25 % afin de permettre aux entreprises d’ici de se démarquer. On a aussi retiré les produits des États-Unis des tablettes de la SAQ. Ce sont les Québécois notre priorité.»

François Legault a aussi mentionné qu’il préférait retrouver les États-Unis comme allié économique plutôt que de commencer à se tourner vers la Chine comme nouvel allié économique, statuant que les Américains offrent un grand marché plus proche et plus simple pour les entreprises d’ici. Même s’il souhaite que les tarifs douaniers disparaissent, le premier ministre à préciser que le gouvernement était plus concentré à l’idée d’atténuer les effets de ces tarifs qu’à les faire disparaître dans l’immédiat.

François Legault a mentionné qu’aucune avenue n’était impossible pour combattre les tarifs douaniers américains, notamment des tarifs potentiels sur l’aluminium. Il rencontrera le dirigeant de Rio Tinto demain pour déterminer la meilleure solution à ce sujet.

CCIGL

 La présidente-directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Lévis (CCIGL), Marie-Josée Morency, considère que l’annonce des tarifs douaniers n’est pas surprenante pour l’organisation, mais que les entreprises d’ici ne l’accueillent pas positivement.

«Il n’y a pas vraiment de surprise, parce que Trump souhaitait montrer qu’il était en contrôle. Malgré tout, ce n’est pas très bien accueilli, puisqu’on a espéré qu’il reviendrait peut-être sur sa décision avec le lobbying qui a été fait. Par contre, ce qui est rassurant, c’est qu’on a eu le temps de se préparer.»

L’impact sur les entrepreneurs se fait d’ailleurs déjà sentir, selon Marie-Josée Morency.

«Beaucoup d’entrepreneurs me disent qu’ils mettent sur pause des projets, parce qu’on ne connait pas encore les impacts de tout ça, par exemple l’augmentation des coûts de production et la baisse de valeur du dollar.»

Selon la présidente-directrice générale de la CCIGL, les réponses des différents gouvernements sont encourageantes pour la suite.

«Au niveau fédéral, même si ce n’est pas encore clair, on parle d’une bonification d’assurance emploi, puisqu’on parle de coupures. La réponse du gouvernement fédéral d’imposer des tarifs permettra de voir comment va réagir le président Trump. Au niveau provincial, le programme pour aider les entreprises avec leurs liquidités, c’est ce qu’on demandait à la CCIGL, puisqu’il y aura des besoins. L’annonce de fonds dans Investissement Québec pour aider à la diversification et à la productivité aussi est très bien accueillie. Les gouvernements envoient un beau message à nos entreprises.»

Pour Marie-Josée Morency, la solidarité sera la clé pour que les entreprises de la région s’en sortent.

«On a eu des beaux échanges avec plusieurs entreprises. Ce qui ressort, c’est qu’il faut collaborer, innover et travailler ensemble pour trouver des solutions et naviguer à travers cette turbulence. On se rend compte qu’on est dépendant des États-Unis, alors les entreprises sont en mode solution. Je le répète et c’est important, on doit miser sur les relations humaines pendant les crises. Les entreprises de la région appellent leurs fournisseurs et leurs clients pour solidifier leurs relations et ce sera la clé.»

CCL

Du côté de la Chambre de commerce de Lotbinière (CCL), la cellule de crise mise en place par la députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, fournira l’information et les outils nécessaires pour permettre aux acteurs économiques de la MRC de Lotbinière d’accompagner les entreprises qui seront touchées de près ou de loin par cette situation.

«On veut rester à l’affût pour bien aiguiller les entrepreneurs et les renseigner s’ils ont la moindre inquiétude ou situation qui se présente», a assuré Alex Boisvert, président de la CCL.

Bien qu’il souligne que les mesures mises en place par le gouvernement du Québec pour venir en aide aux entreprises sont les bienvenues, il indique toutefois que ces aides sont temporaires et que le gouvernement a un portefeuille «limité». Il croit plutôt que les entreprises doivent plancher à trouver des alternatives via la collaboration.

«Plusieurs ont de petites forces cachées au sein de leur entreprise qui pourraient permettre à d’autres de sortir la tête de l’eau. C’est dans ces moments qu’il faut être solidaire et lever la main pour se parler et trouver des solutions entre entrepreneurs de la région, de la province ou du pays, a-t-il partagé. Il faudra que les entreprises qui se démarquent au niveau provincial sortent et viennent en aide à celles qui en arrachent un peu plus et que nos forces locales puissent devenir la force de tout le monde.»

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