Par Érick Deschênes
Au tournant des années 2000, quand j’ai commencé à suivre plus sérieusement les différentes compétitions de hockey, Équipe Canada junior était un rouleau compresseur à chaque édition. Si l’Unifolié ne terminait pas sur la plus haute marche du podium, il obtenait quand même une médaille et s’échangeait la position de tête avec la Russie. Les États-Unis, la Suède, la Finlande et la Tchéquie luttaient ensuite pour obtenir la dernière marche du podium.
Mais comme l’a expliqué à de nombreuses reprises Martin Leclerc, l’excellent chroniqueur sportif de Radio-Canada, plusieurs fédérations de hockey rivalisant avec Hockey Canada ont entamé des réflexions et ont modifié profondément leurs activités pour mieux former leurs membres et développer les hockeyeurs ayant un fort potentiel ainsi que permettre à des membres de certaines fédérations qui n’atteindront jamais le niveau professionnel de pouvoir s’amuser et bouger dans le plaisir au hockey mineur, le premier objectif de tout sport pour un enfant.
Ces réformes ont porté leurs fruits pour plusieurs nations, comme la Suède, l’Allemagne, la Tchéquie et la Finlande. Pour leur groupe élite, ces fédérations ont pris les moyens pour que leur équipe nationale ne soit plus des faire-valoir pour les représentants des grosses fédérations, comme le Canada, les États-Unis et la Russie, lors des compétitions internationales. L’objectif du sport élite en fin de compte, c’est de pouvoir rivaliser avec ses adversaires et d’avoir une chance de gagner, pas être un punching bag.
Pour compenser la faiblesse de leur bassin de joueurs comparativement à l’eldorado dont peut profiter le Canada, certaines fédérations sont sorties des sentiers battus et ont mis en place des solutions innovantes qui rapportent. En Suède, la fédération multiplie les occasions de réunir ses hockeyeurs prometteurs élite à partir de l'adolescence pour améliorer leur développement, donner de meilleures chances à l’état-major de détecter les futurs représentants de ses équipes nationales ainsi que favoriser la création de liens entre les hockeyeurs élite. En Allemagne, la fédération a fait de la formation de tous les entraîneurs côtoyant ses membres joueurs une véritable obsession.
Pendant ce temps, Hockey Canada mise toujours sur un système de développement qui date des boules à mites. Et on le voit depuis quelques années, les équipes de la Ligue nationale de hockey (LNH) se tournent de plus en plus vers d’autres «pays producteurs» que le Canada pour dénicher leurs futurs talents.
Au Québec, j’en conviens, des efforts ont été consentis pour renverser la vapeur, notamment avec le travail du Comité québécois sur le développement du hockey il y a quelques années. Toutefois, plusieurs propositions du groupe, notamment celle inspirée des façons de faire implantées en Suède pour s’assurer que le hockey soit d’abord et avant tout un jeu avant l’âge de 13 ans, sont restées sur les tablettes.
Comédie d’erreurs
La nouvelle déconfiture d’Équipe Canada junior lors du Championnat du monde de hockey masculin junior en cours depuis le 26 décembre à Ottawa s’explique aussi par plusieurs erreurs de l’état-major canadien.
Si l’Unifolié ne pouvait compter sur ses plus grands talents (Connor Bédard, Macklin Celebrini, etc.) comme ils évoluent déjà dans la LNH, les dirigeants de Hockey Canada ont tourné le dos à plusieurs joueurs qui brillaient dans les circuits junior, comme Beckett Sennecke, Michael Misa, Justin Poirier, Zayne Parekh et Carter Yakemchuk.
Plusieurs ont l’impression que la formation n’a jamais tenu un véritable camp de sélection. Au cours des années glorieuses d’Équipe Canada junior, cette étape était souvent le moment marquant où l’équipe championne naissait grâce au fort esprit de compétition qui était implanté à ce moment.
Aussi, l’entraîneur-chef de l’édition 2025 d’Équipe Canada junior, Dave Cameron, a décidé de ne tenir aucun entraînement pendant le tournoi. Oui, le Championnat du monde de hockey masculin junior est un sprint digne du 100 mètres et la gestion d’énergie est vitale. Mais comment un groupe de 25 joueurs peut-il développer des automatismes et de la chimie sans entraînement? Cela s’est donc reflété sur les performances de l’équipe, qui a multiplié les défaites dont une contre les surprenants Lettons.
Enfin, vous me direz que je fais une fixation sur cet aspect d’une équipe de hockey, mais l’indiscipline a littéralement coulé le Canada. Lors du duel contre les États-Unis en ronde préliminaire, l’Unifolié a écopé de 11 pénalités mineures, soit l’équivalent de plus du tiers de la rencontre. Et Dave Cameron n’a pas imposé de sanction aux récidivistes. La formation a donc poursuivi dans cette voie malsaine. D’ailleurs, Adam Jecho a inscrit le but vainqueur pour la Tchéquie le 2 janvier grâce à un avantage numérique avec 40 secondes à faire à la troisième période.
Hockey Canada doit donc entamer de sérieuses réflexions pour ramener son équipe des moins de 20 ans au sommet. Révision du système de développement, implantation d’une équipe permanente de dirigeants pour ses équipes nationales afin d’implanter la vision qui résultera des réflexions sur l’avenir du hockey au Canada, etc. Tout doit être sur la table. Les autres fédérations ne restent pas les bras croisés et innovent pour propulser leurs espoirs. Le Canada doit suivre la parade si le pays natal du hockey veut retrouver le sommet qu’il a occupé pendant tant d’années au Championnat du monde de hockey masculin junior.