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Lettre ouverte

Ceci n’est pas du patrimoine!

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Photo : Archives - Gilles Boutin

08 avr. 2025 02:38

Dans une lettre envoyée le 14 janvier 2025 au comité de démolition de la Ville de Lévis, Action patrimoine exprime son opposition à la démolition du 32, avenue Bégin, situé dans le Vieux-Lévis et actuellement occupé par l’entreprise Chocolats Favoris.

Note de la rédaction : Le Journal de Lévis n'endosse aucune opinion qui est partagée dans les lettres d'opinion ou ouvertes publiées dans notre section Opinions. Les opinions qui sont exprimées dans ce texte sont celles des auteurs signataires.

Depuis le début de cette affaire, l’idée de déconstruire l’édifice pour en reconstruire une version presque identique a été évoquée. Des rendus de plans publiés dans la presse montrent une reproduction quasiment parfaite.

On pourrait alors croire que la solution idéale pour régler les problèmes liés aux édifices patrimoniaux consiste à les reconstruire à l’identique : on démolit la vieille structure et l’on construit sa réplique, toute neuve, pour préserver l’harmonie et le charme du lieu. Pourtant, une telle approche soulève des problématiques bien plus complexes et relève de ce qu’on appelle un pastiche.

Qu’est-ce qu’un pastiche?

Ce terme ne s’applique pas qu’au domaine des biens patrimoniaux, plus largement un pastiche, selon la définition, désigne une œuvre qui imite le style, le thème ou les caractéristiques d’un autre auteur, d’un autre artiste ou d’une autre œuvre, souvent de manière volontaire et reconnaissable. Dans le contexte patrimonial, le pastiche consiste à reproduire intentionnellement les formes, le style architectural, les décors ou d’autres éléments d’un bâtiment ancien. Autrement dit, on crée du neuf avec l’apparence de l’ancien. C’est en cela que l’exemple de Lévis répond parfaitement à la définition de pastiche.

Pourquoi ce n’est pas du patrimoine?

Le pastiche peut donner l’illusion de préserver le patrimoine, mais, en réalité, il imite sans jamais égaler. La valeur patrimoniale d’un bâtiment ne repose pas uniquement sur son apparence, mais sur un ensemble de caractéristiques tangibles et intangibles : les techniques de construction d’époque (souvent disparues aujourd’hui), la qualité des matériaux qui ont traversé le temps, les architectes à l’origine du projet, mais aussi l’histoire inscrite dans les murs.

Détruire un bâtiment ancien, même dans l’intention de le reconstruire à l’identique, c’est anéantir cette mémoire. Le remplacer par une copie, aussi fidèle soit-elle, revient à substituer l’authenticité par une illusion, construite avec des matériaux neufs, selon des techniques contemporaines, et sans la plus-value du temps, et ce, sans aborder le coût environnemental lié à une construction neuve.

Invoquer la reconstruction comme justification, c’est souvent un moyen de se dédouaner, une façon de rassurer tout en effaçant un témoin précieux de notre histoire. Une fois détruit, un bâtiment patrimonial ne peut plus être restitué dans sa pleine valeur : ce qui disparaît, c’est une partie de notre mémoire collective.

Solutions pour préserver le patrimoine

Action patrimoine prône la préservation au lieu de la démolition systématique des bâtiments patrimoniaux. La première étape consiste à assurer un entretien constant, afin d’assurer le bon état et éviter qu’il ne se détériore au point de justifier une démolition.

Lorsqu’une restauration s’impose, plusieurs pistes peuvent être envisagées : utiliser des matériaux de qualité qui assureront la pérennité des interventions, faire appel à des professionnels spécialisés en patrimoine pour poser les bons diagnostics, ou, en dernier recours, conserver un maximum d’éléments d’origine si une partie du bâtiment doit être démolie.

Dans cette optique, le pastiche n’est pas une solution, mais un simple substitut sans âme, souvent conçu pour faire illusion, rarement pour durer. Il ne possède ni le charme ni l’authenticité d’un véritable bâtiment patrimonial.

Dans ce contexte, une séance extraordinaire du conseil municipal a eu lieu à Lévis le 7 avril dernier, lors de laquelle des citoyens se sont opposés à un projet de démolition et de reconstruction sous forme de pastiche. C’est pourquoi Action patrimoine tenait à mettre en lumière la notion de pastiche qui, pour lui, ne constitue pas une solution envisageable préservant le patrimoine.

L’organisme réitère sa ferme opposition à la démolition du 32, avenue Bégin.

Chloé Breton, responsable des positions chez Action patrimoine

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