Par Gilles Lehouillier, maire de Lévis
Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Québec n’a pas présenté sa vision globale de la mobilité sur les territoires de Lévis et de Québec ainsi qu’entre les deux rives à la suite du dépôt de ce rapport. Les enjeux et l’importance des sommes d’argent impliquées exigent une réponse globale aux propositions actuellement sur la table. D’ailleurs, les propositions de la CDPQ axées exclusivement sur le transport collectif ne tiennent pas compte de la nouvelle position gouvernementale visant à relancer le projet de lien autoroutier entre les deux rives.
À notre avis, la décision récente du gouvernement d’aller de l’avant avec un lien autoroutier entre les deux rives remet en question les conclusions et les recommandations de la CDPQ. Il aurait lieu d’actualiser le tout.
Rappelons que le plan CITÉ de la Caisse de dépôt et de placements propose un plan en trois phases totalisant 15,4 G$. Ce plan prévoit un tramway de 7 G$ (corridor central et antenne Charlesbourg), un tunnel de transport collectif Québec-Lévis de 7 km au coût de 3,9 G$, 2 réseaux de SRB (Ligne Guillaume-Couture à Lévis pour 2,4 G$, ligne Charest et Chaudière à Québec pour 1,3 G$), et de nouvelles voies dédiées pour 780 M$.
Le plan CITÉ : un tout indissociable
Pour atteindre l’objectif d’un transfert de la part modale de l’automobile vers le transport en commun qui passerait de 8 % à 11 %, comme prévu dans le rapport de la CDPQ, le gouvernement du Québec doit s’engager fermement à réaliser l’ensemble du plan CITÉ et conséquemment à y injecter les enveloppes budgétaires requises, soit 15,4 G$. C’est un tout indissociable. Est-ce acceptable pour le gouvernement du Québec?
En parallèle, dans le rapport du BAPE de novembre 2020 sur le tramway de Québec, il était également prévu un transfert à peu près identique de la part modale du transport collectif de 8,5 % à 11,5 %. Or, les conclusions du rapport du BAPE mentionnent que le transfert modal de l’automobile vers le transport collectif à la suite de l’implantation du tramway apparait modeste en regard des investissements prévus qui était de 3,3 G$ à l’époque. Est-ce que le gouvernement du Québec estime que le transfert de la part modale est suffisamment intéressant pour y investir les 15,4 G$ nécessaires?
La crédibilité de la relance du lien autoroutier
La relance récente du gouvernement du Québec d’un lien autoroutier entre les deux rives rend difficilement applicable, de mon point de vue, les recommandations du rapport de la Caisse de dépôt et placements du Québec dont les conclusions ne tiennent pas compte de la relance du projet autoroutier.
À cet égard, il faut rappeler l’une des grandes conclusions du rapport du BAPE de novembre 2020 qui se lit comme suit :
«Le projet du tramway est désormais tributaire du projet de lien entre Québec et la Rive-Sud, ce qui complexifie d’autant l’analyse de sa justification ainsi que les implications techniques, économiques et logistiques de sa réalisation. Ce projet, dont la responsabilité échoit au ministère des Transports du Québec et dont la commission ne connaissait pas les détails au moment de son analyse, et celui d’un réseau structurant de transport collectif pour l’agglomération de Québec ne peuvent être dissociées dans le processus d’analyse et de prise de décision vu leurs incidences sur le territoire et leurs effets réciproques».
Cette conclusion du BAPE est toujours d’actualité dans le contexte de relance par le gouvernement du Québec du lien autoroutier entre les deux rives. Il ne s’agit pas ici de juger de la pertinence ou non du tramway mais bien de se rendre à l’évidence de la nécessité d’une vision globale sur la mobilité entre les deux rives.
En conséquence, le rapport de la CDPQ devrait être actualisé pour tenir compte de la réalisation d’un nouveau lien autoroutier. On ne peut pas ignorer dans une approche intégrée de mobilité les implications techniques, économiques et logistiques de réalisation d’un lien autoroutier qui viendront certainement interférer sur l’ensemble des données contenus dans le rapport de la CDPQ.
Un lien autoroutier inscrit nulle part
Force est de constater que le seul plan de mobilité Québec-Lévis est à 100 % axé sur le transport collectif. L’entente de la semaine prochaine viendra donc confirmer le choix du gouvernement de s’en tenir à ce plan puisqu’il n’y a aucune intégration du nouveau lien autoroutier à l’intérieur de la vision globale de la mobilité.
Nous sommes d’avis que le gouvernement aurait dû actualiser l’étude de la CDPQ en y intégrant le lien autoroutier. Comment rendre crédible un nouveau lien autoroutier qui n’est inscrit nulle part, dans aucun plan?
L’indépendance de la CDPQ Infra?
On pourrait croire à l’indépendance de la CDPQ Infra dans l’étude réalisée sur la mobilité qui sert de base à de nombreux spécialistes pour justifier ses recommandations. Mais, en réalité, la CDPQ Infra est aussi en affaires et elle est entre autres actionnaire majoritaire d’entreprises dédiées au transport collectif. Par ailleurs, les recommandations du BAPE sont issues d’un organisme totalement indépendant. C’est une différence importante à considérer.
Un lien autoroutier confiné aux rêves
Le gouvernement ira de l’avant dans un projet qui pourrait atteindre 15,4 G$. Peut-on croire un seul instant qu’il y ajoutera un nouveau lien autoroutier qu’on pourrait minimalement évaluer à 10 G$ alors que ce lien n’est inscrit dans aucun plan d’action? Est-ce que le gouvernement a les moyens d’investir minimalement 26 G$ pour réaliser à la fois le plan de la CDPQ et le lien autoroutier. J’en doute fortement. Les députés de la CAQ de la région de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches peuvent continuer à rêver. Malheureusement, le choix du gouvernement du Québec sera scellé, en bonne partie du moins, la semaine prochaine.
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