Par Guillaume Ratté-Côté*

Près de quatre personnes sur cinq, du côté sud du fleuve, veulent un troisième lien. Depuis des années, ils comprennent que cela aiderait aux problèmes récurrents de congestion dans la région, mais préviendrait aussi à ce que nous nous retrouvions devant une catastrophe économique et sécuritaire en cas de blocage des traversées actuelles. Traversées qui ont toutes deux déjà dépassé leur espérance de vie normale.

Comprenant l’impact électoral d’une telle volonté collective, la CAQ a promis d’aller de l’avant, il y a maintenant six ans. Que le chantier serait démarré dans le premier mandat. N’ayant pas agi en ce sens autrement qu’en demandant quelques forages et en sortant quelques maquettes de tunnels, ses bonzes ont promis à nouveau d’avancer dans cette direction à la campagne électorale suivante.

Déjà là, leur accorder le bénéfice du doute là-dessus relevait d’une indulgence, disons, au-dessus de la moyenne.

Tout de suite après les élections provinciales de 2022, le projet fut, très publiquement, relégué aux oubliettes. Ensuite, naquit une grogne qui fait de la CAQ une entité dont la popularité tombe au troisième rang dans plusieurs circonscriptions. Le PQ et le PCQ se bataillant le haut du pavé.

Évidemment, cela a ébranlé la CAQ et ils se sont rapidement remis à se dire en faveur.

La question est simplement : rendu là, qui peut les croire ne serait-ce qu’une minute? Comme le veut le dicton, en anglais, traduction libre : floue-moi une fois, honte à toi. Floue-moi deux fois, honte à moi! Mais là, nous en sommes à la troisième fois!

Et ce n’est pas comme si ce qui venait avec cette nouvelle promesse faite de façon nonchalante était le moindrement convaincant! Ils ont bien fait l’annonce d’un appel d’offres récemment. Mais il s’agit de qui déterminera le corridor! Autrement dit, ils font un appel d’offres à l’international… pour se faire dire où devrait se trouver l’emplacement! Ce qui prendra un an! Alors que le corridor idéal est d’une évidence déconcertante! Il s’agit d’une route qui puisse éviter la construction d’un nouveau pont de l’île d’Orléans qui autrement coûterait près de 3 G$, pour servir quelques milliers de personnes seulement. Cela est plus qu’évident pour tout observateur, depuis des années.

Et au surplus, pour ajouter l’insulte à l’injure, il y a le timing. D’abord, l’annonce est faite au lendemain de l’ouverture toute grande des vannes des fonds publics au projet de tramway à Québec, que la majorité des résidents de la région considèrent moins prioritaire. Le tout avec, encore, une motion unanime à l’Assemblée nationale en ce sens, exactement à l’opposé de ce que «l’acceptabilité sociale» commande.

Ensuite, parce que l’étalement des étapes, pour ne pas dire le retardement des étapes, nous mène à une année électorale sans que des engagements trop contraignants avec d’éventuels constructeurs ne soient pris!

Tout ceci doit impérativement porter chaque électeur à considérer que la CAQ, à l’instar des trois autres partis présents à l’Assemblée nationale, qui au moins ont le courage de manifester leur opposition au projet, n’en veut pas et nous roule dans la farine encore une fois en vue de limiter les pertes électorales.

Mais il y a des limites, quelque part, au roulage dans la farine! À un moment, la CAQ passera à la casserole, cela est inévitable. Car la sagesse populaire, si parfois portée à la naïveté, punit presque à tous coups les grandes trahisons après un certain temps. Et c’est désormais clairement de quoi il s’agit.

L’idéologie adoptée par la CAQ en matière de transport ne permet pas ce genre de projet. Ils en sont réduits à voir la «demande induite», qui veut dire en gros que tout élargissement des capacités routières aboutit sur davantage de congestion, comme la science incarnée.

Alors, à moins d’engagements incomparablement plus convaincants, la CAQ doit être rabrouée fortement. Encore plus à Lévis, où l’appui à cette avancée en transports est souhaitée encore plus qu’ailleurs. Et, où le projet rival (oui c’est bien un projet rival, les ressources d’investissement en transport étant limitées), le tramway, est le moins populaire. Et ce malgré le fait que l’augmentation de taxes fulgurante (du registre de 15 % d’un bond, selon mes calculs) pour son opération et entretien en épargnerait normalement la population.

Autrement, nous serons tenus pour acquis politiquement pour longtemps, et assurément avec raison. Assez!

*Guillaume Ratté-Côté est l'animateur de l'émission PolitiGuy Correct à la Radio de Lévis, CJMD 96,9, du lundi au jeudi à 16h.